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L’abus sexuel des enfants : un sujet tabou ?

Un enfant sur 5 serait victime de violences sexuelles avant d’avoir atteint 18 ans. Un drame plus courant qu’on ne le croit. Faut-il en parler davantage ? Pourquoi un tel silence autour de ces questions ? Le point avec Martine Nisse, éducatrice spécialisée et thérapeute familiale. Martine Nisse est par ailleurs cofondatrice et directrice du Centre des Buttes-Chaumont à Paris, partenaire du BICE spécialisé dans l’accompagnement des enfants victimes d’abus sexuels. 

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1) L’abus sexuel touche un enfant sur 5 avant sa majorité. Pourtant, on a souvent l’impression qu’un silence de plomb empêche d’aborder cette question. Pourquoi ?

Vous avez l’impression qu’on n’en parle nulle part. Il me semble au contraire qu’on en parle partout. C’est paradoxal, mais c’est plutôt bon signe.

Si nous ne voyons pas ou n’entendons pas ce qui concerne ce sujet, c’est parce que la plupart d’entre nous a grandi abrité par la loi respectée de l’interdit de l’inceste.

Lorsque l’on est structuré avec ces codes relationnels qui établissent des frontières entre les générations et permettent de se tourner vers l’extérieur pour fonder une famille, parler de l’abus sexuel revient à évoquer une réalité sexuelle transgressive insupportable. Cette dernière contredit l’interdit fondateur que nous avons intégré durant notre éducation. C’est la raison pour laquelle nous n’en finissons pas de (re)découvrir qu’il est régulièrement transgressé.

2) Le tabou de l’inceste serait donc sain ?

Oui, parfaitement, car un tabou est un interdit fondateur. La loi de l’interdit de l’inceste permet à la société de se construire et de perdurer. L’adulte est le garant de cet interdit de l’inceste. Il ne faut surtout pas chercher à briser ce tabou.

En revanche, briser le silence qui entoure les drames incestueux et pédocriminels est indispensable.

3) Pourquoi est-il si difficile pour un enfant victime de parler de ce qu’il a vécu ?

Un enfant maltraité ne prend conscience de la maltraitance que par comparaison. Il est très difficile pour un jeune enfant de savoir par lui-même ce qui est bien ou mal, permis ou défendu.

De surcroît, les agresseurs sexuels utilisent la menace pour que l’enfant garde le secret sur les actes subis.

Les enfants « trop bien élevés » n’oseront pas s’opposer ou se rebeller. Il faut apprendre aux enfants qu’il est parfois indispensable de désobéir.

4) Que peut-on faire pour protéger les enfants contre les abus sexuels et leurs permettre de parler s’ils sont victimes ?

Il est nécessaire de mettre en place régulièrement des campagnes de prévention et de dépistage. Il faut dispenser des conseils, informer les enfants sur leurs droits et former les professionnels à mieux détecter ces situations d’abus sexuels. Un enfant doit être aidé pour apprendre à repérer des situations à risque, et pour pouvoir les fuir s’il se sent en danger. Il doit savoir qu’un adulte n’a pas à lui demander de l’aide dans la rue, à chercher à l’isoler, à lui demander de garder un secret sur des contacts sexuels.

Un enfant fuyant une situation de danger en sachant pourquoi, sait qu’il a bien agi. Et, sans ressentir de honte ou de culpabilité, pourra en parler à des personnes de confiance.  

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